* Rêveurs et mangeurs de papier *

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Interview - Loïc Le Borgne



LOÏC LE BORGNE

http://loicleborgne.over-blog.com/

 

Présentez vous en quelques lignes.

Je suis écrivain depuis une dizaine d'années, même si j'ai toujours imaginé et écrit des histoires… depuis l'école primaire en fait. J'ai 46 ans, deux filles, un chat, beaucoup de livres et de musique à la maison. J'habite dans une petite ville, en Sarthe. J'ai été journaliste durant une quinzaine d'années.

 

Parlez-nous de vos romans, de votre parcours en tant qu'auteur. Quel genre de romans préférez-vous écrire?

«Il » est en réalité le premier vrai roman que j'ai écrit, lorsque j'étais jeune journaliste, il y a 20 ans. Sauf qu'il ne s'appelait pas « Il » et que je l'ai totalement réécrit en 2014, ne gardant que la trame de fond et les personnages. A l'époque, les éditeurs l'avaient tous refusé. En le relisant, j'ai pensé que j'allais avoir beaucoup de travail ! Ce fut le cas : j'ai passé plus de temps à réécrire ce roman qu'à en écrire un nouveau, mais l'histoire me plaisait.

En 2006, j'ai publié une première trilogie de science-fiction, pour adolescents, « Marine des étoiles » et ses suites, et puis les livres se sont enchaînés à bon rythme.

J'aime écrire des récits qui ouvrent grand les portes de l'imaginaire, qui nous font basculer, moi comme les lecteurs, dans un monde étonnant… comme les contes ou les récits épiques d'autrefois. J'ai toujours été fasciné par les aventures d'Ulysse dans l'Odyssée.

J'apprécie beaucoup la science-fiction, qui représente pour moi l'aventure ultime, puisqu'elle n'est pas encore arrivée. La science-fiction (je n'aime pas ce mot un peu vieillot car le futur n'est pas seulement scientifique, mais il n'en existe aucun qui me convienne) nous permet de prendre du recul sur notre société en nous projetant dans le futur. J'aime que des personnages auxquels je suis attaché se retrouvent confrontés à des événements fabuleux, voilà pourquoi j'apprécie aussi la littérature fantastique. J'ai toujours aimé lire ce genre de récit. Mais je n'y trouvais pas tout à fait mon compte, je cherchais des histoires qui n'existaient pas… un jour, vers l'âge de dix ans, je me suis décidé à en écrire moi-même !

 

Comment vous organisez-vous pour écrire un roman?

Je passe beaucoup de temps à imaginer mes histoires, à en assembler les différents éléments, comme un puzzle. Je trouve souvent des idées pendant les vacances, quand mon esprit est plus libre de se balader… Puis j'écris le scénario, mais pas forcément jusqu'à la fin. Tout dépend de l'âge des lecteurs, du thème… Par exemple, pour « Il », je ne savais pas comment se terminerait le récit. Mais pour « Le Garçon qui savait tout », j'ai bâti le scénario de A à Z, en le modifiant parfois un peu au fil de l'écriture. J'aime varier les expériences. Je me lève tôt pour écrire dans mon bureau, en musique. La musique me porte et m'empêche de douter, de revenir en arrière. Enfin vient la phase des relectures et des réécritures… celle que je redoute le plus… elle me rappelle les devoirs scolaires ! Cette fois, plus de musique, il faut être très attentif. Pour que cette étape reste supportable, j'en profite pour imaginer de futures histoires… certaines deviennent des romans, d'autres traînent longtemps dans ma tête. J'en parle à ma femme, à mes filles, à des amis… je vois ce qu'ils en pensent.

 

Comment l'idée de créer une nouvelle espèce, une évolution à l'espèce humaine est-elle venue?

Tout cela vient de l'enfance, je crois. J'ai toujours été passionné par les mystères : ceux du futur, de la science, mais aussi ceux du passé. J'ai beaucoup aimé étudier la Préhistoire, les anciennes civilisations. La longue histoire du Monde nous fait également prendre du recul sur notre petit présent. Je me posais cette question : puisque plusieurs sous-espèces humaines ont existé ou coexisté (on a eu la preuve récemment que l'homme de Néandertalien et homo sapiens sapiens avaient vécu au même moment et avaient même eu des enfants ensemble), pourquoi pas d'autres ? Pourquoi l'évolution cesserait-elle aujourd’hui' ? D'autant que les mécanismes précis de cette évolution restent plutôt mystérieux… Il existait déjà des histoires à ce sujet, mais je voulais un récit de proximité, très ancré dans le présent, réaliste, se déroulant dans un village et non à l'échelle planétaire. En général, j'aime proposer des récits abordant les grands thèmes de la science-fiction mais concentrés sur un territoire plutôt restreint, souvent rural, à une très petite échelle, tels que je les connais, et que connaissent des millions de gens. C'est le cas dans « Le Bout du Monde », paru également chez Syros, « Le Garçon qui savait tout », « Il », « La Cité des dauphins » (Imaginemos), « Hystérésis » (Le Bélial), etc.

 

Votre roman « Il » se déroule à Templeuve. C'est une ville du Nord de la France, mais tous les décors existent-ils? De quels lieux vous êtes vous inspirés?

Bonne question, qui va me permettre d'éclaircir un peu les choses. Non, le roman ne se déroule pas dans le nord de la France. Je n'y suis jamais allé (mais ça viendra sûrement) ! Il se déroule dans une ville appelée Templeuve mais plutôt dans l'Ouest de la France, pas trop loin de Paris, comme indiqué dans le récit. Nous sommes dans un récit de fiction et cette ville est imaginaire. Le décor, c'est la ville de Mamers, sous-préfecture de la Sarthe, dans les Pays de la Loire, où j'ai été journaliste durant près de dix ans. Les friches industrielles, le centre-ville, les forêts, et même le bazar, j'ai connu tout cela. Mais j'ai décidé de changer le nom de la ville en « Templeuve ». Pourquoi ? Parce que c'est là, dans le Nord de la France donc, que furent organisés de nombreux procès en sorcellerie. Des femmes que l'on jugeait trop bizarres à l'époque furent brûlée en place publique. Si vous avez lu « Il », vous comprenez désormais la raison de ce nom… A toute époque, la barbarie peut s'installer, avec la complicité d'une grande partie de la population, et conduire à la mort de gens que l'on estime un peu trop différents…

 

Vous nous avez confié que votre fille avait relu avec attention votre roman. A quel point son avis compte pour vous? Vous a t'elle demandé de faire des changements?

Ma fille aînée a 15 ans mais elle relit depuis longtemps mes histoires, lorsqu'elles sont destinées à des lecteurs de son âge ou plus jeunes – elle a commencé avec la série du « Club des chevaux magiques » parue entre 2010 et 2013 chez Gründ. Elle entre vraiment dans les histoires, contrairement à la plupart des adultes, ce qui lui permet de repérer des erreurs de logique (par exemple, la manière dont s'exprime un personnage, ou une erreur de prénom). Mes filles ne me demandent pas réellement de modifier mes histoires, mais elles m'ont donné les idées de base pour la série « Le Club des chevaux magiques » (parue chez Gründ).

 

Quelles réactions attendez-vous chez un jeune lecteur qui découvre « IL » ?

D'abord, j'espère qu'il s'attache aux personnages, qui sont presque vivants pour moi, lorsque j'écris le récit. Ensuite, je souhaite qu'il apprécie les mystères, les péripéties. Enfin, je glisse des pistes de réflexion. Pour « Il », je pense que chaque lecteur comprend qu'il faut se méfier des jugements à l'emporte-pièce, qui peuvent conduire à des drames. L'inconnu dérange, inquiète toujours. Certains font tout pour s'en écarter, pour rejeter ce qui est nouveau, différent, c'est une tendance naturelle chez l'humain. Ce rejet de la différence repose en réalité sur une méconnaissance de l'autre. J'ai beaucoup voyagé, hors des sentiers battus, et je sais que les humains sont en apparence très différents, d'un bout à l'autre du monde, mais en réalité très proches. Les racines sont importantes mais la différence enrichit. Les gens qui ont peur de la différence, ou plutôt qui pensent qu'elle peut menacer leur pouvoir, tentent toujours de faire croire le contraire. Dans « Il », ces gens modestes qui vivent dans les campagnes se sentent abandonnés, ils ont peur. Ils cherchent des coupables. Et c'est toujours dans ces cas-là que la situation devient explosive… et que l'on brûle des sorcières.

 

Elouan développe des dons impressionnants. Et vous, quel don auriez-vous aimé posséder? Et pourquoi?

Le don d'invisibilité. J'aimerais beaucoup jouer à la petite souris. C'est mal, je sais, mais très tentant. Attention, tout pouvoir a son revers. Un pouvoir donne, d'abord, de la responsabilité. Et puis, si vous êtes différent, il attire sur vous toutes sortes de regards… Je n'ai pas de vrai pouvoir, mais j'imagine des histoires, des univers. C'est presque un pouvoir magique, dont je rêvais enfant...

 

En tant que lecteur, quel genre de lecture vous plaît le plus? Quels sont vos romans préférés?

J'aime les récits à la fois ancrés dans le réel et l'imaginaire. Stephen King pour la littérature fantastique en est un exemple parfait. Les gens, les lieux ont l'air vraiment palpables, réels, et puis tout dégénère… J'aime les histoires qui plongent au cœur des grands mystères, mais avec des personnages très humains, proches de nous, pas forcément parfaits. Je peux citer « Le mystère du lac » de Robert McCammon, « L'Ile mystérieuse » de Jules Verne, « Nuit d'été » ou « Hypérion » de Dan Simmons, « Ca », « Le Fléau » ou « Shining » de Stephen King, « Dune » de Frank Herbert, « Contact » de Carl Sagan, « La Nuit des temps » de Barjavel, « La Planète des singes » de Pierre Boulle, « Un animal doué de raison » de Robert Merle, etc. En ce moment, je dévore « Le Trône de fer », alors que je ne suis pas très porté sur la fantasy, mais les personnages et les rebondissements sont fascinants… De temps en temps, j'aime aussi relire un roman ou une nouvelle d'Hemingway. J'aime son style carré, ses personnages rudes. Il dit beaucoup de choses profondes avec des mots simples, sans tous ces trompe-l’œil qui encombrent la littérature de salon.

 

Merci infiniment d'avoir pris le temps de répondre à nos questions! Pour finir, aimeriez-vous partager quelque chose de particulier?

Voici deux endroits où j'ai passé beaucoup de temps en vacances, et qui m'ont donné envie d'écrire des histoires, où une foule d'idées me sont venues : le village de Saint-Pabu, près de l'aber Benoît dans le Finistère, et celui de Gavarnie, dans les Hautes Pyrénées, au pied des cimes enneigées. J'adore ces deux endroits. Si vous voulez prendre un grand bol d'air, vous emplir les yeux et le cœur de visions fantastiques, allez-y. Dans des atmosphères pareilles, vous n'inventez pas d'histoires : elles sont là, elles attendent que vous les ramassiez.

 

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Vous pouvez également retrouver l'avis d'Alex sur le roman IL



05/08/2015
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